PRESSE
TELERAMA
Des êtres solitaires aux contours flous, des « présences/absences », tels apparaissent les personnages de Jon Fosse, l’auteur norvégien . (…) La mise en scène d’E‑A Maillet est continuellement astucieuse, juste et inventive. Sur le plateau, les comédiens sont mêlés à des hologrammes colorés composant une foule anonyme qui défile au ralenti. C’est beau comme les vidéos de Bill Viola mais il s’agit là d’art numérique et de magie qui créent différentes profondeurs de champ, impressionnent les yeux et rendent sensible cet univers flottant. Des trouvailles judicieuses correspondant bien à l’écriture minimaliste du dramaturge qui joue des blancs, des silences et livre des bribes de vie saisies dans un univers fantômatique. Claude Régy, Patrice Chéreau ont porté à la scène avec bonheur cet auteur énigmatique, mais les inventions de la jeune Compagnie Ex Voto sont ici particulièrement réussies.» Sylviane Bernard-Gresh
UN FAUTEUIL POUR ORCHESTRE
«.…Lorsque les scènes se font intimes, le jeu des comédiens se mêle alors encore plus étroitement et plus subtilement à ces silhouettes fantomatiques mais communes, créant un effet saisissant de dédoublement des personnages de chair et declenchant l’imagination en nous laissant agréablement croire que l’art du théâtre permet de visualiser l’invisible. Violaine de Carné et Airy Routier jouent cette partition ténue, cherchant leur point d’équilibre sur le fil tendu, entre le jeu des corps présents et les mouvements des ombres colorées des corps enregistrés. Violaine de Carné est une Venus parfois plaintive et gracieusement callipyge et Airy Routier, un membre actif mais subalterne d’une société quelconque, qui s’ouvre à l’inconnue peut-être pour la première fois. Cela laisse un souvenir comme le reflet des gens dans les vitres du métro, assombries par le noir des tunnels. Ces images de nous mêmes qui prolongent nos présences physiques et révèlent l’autre part, plus muette, plus réceptive et peut-être plus consciente du destin qui se joue, pour chacun, à cet instant, par delà le mouvement bringuebalant et ininterrompu de la grande ville humaine». Jean-Christophe Carius
BLOG / Hier au théâtre
« Dans la petite salle du Théâtre de l’Opprimé, Émilie Anna Maillet retranscrit l’univers fossien avec une intelligence scénique en phase avec les nouvelles technologies. Hiver mêle hologrammes, présence des corps et infinie solitude dans une subtile symbiose. À travers cette courte pièce, le dramaturge norvégien s’interroge sur l’absence au monde et aux autres, la quête d’une connexion et l’incommunicabilité des êtres. Porté par un duo d’acteurs à l’écoute l’un de l’autre, le spectacle permet d’appréhender les leitmotivs fossiens d’une façon tout à fait accessible et lisible. Hiver ne déroge pas à l’esthétique de Jon Fosse : poétique de la répétition et du ressassement, parole lacunaire et suspendue, personnages en perpétuelle errance. Parfois qualifié d’hermétique, voire d’incompréhensible, le théâtre du Norvégien divise à coup sûr. Ici, l’attrait du chiffre deux se fait particulièrement sentir : quatre tableaux, deux espaces, un couple, un revirement émotionnel… Perdu dans une foule anonyme représentée par des fantômes vidéo, le duo accuse son effroyable solitude. La Magie Nouvelle bouleverse les sens et constitue une expérience troublante : les multiples hologrammes traversent les personnages, les pénètrent et questionnent le rapport à la présence/absence. Ces fantômes voyeurs et indécents se situent dans un hors monde, tout comme le tandem. Le corps devient une simple enveloppe qui s’évade dans un ailleurs non identifié. La metteur en scène parle d’une « dissociation de l’être » et d’une « dépossession » ..Le résultat se montre surtout tangible lorsque ce sont les acteurs eux-mêmes qui cohabitent avec leurs corps enregistrés. Dédoublés à l’envi et investissant l’univers des songes, les hologrammes décrivent une autre réalité, à l’extérieur du monde palpable, et incarnent sur le plateau les silences et les blancs typiquement fossiens… Ainsi, la métaphore climatique d’Hiver prend tout son sens avec la proposition d’Émilie Anna Maillet : gel des relations humaines, froideur des rapports et engourdissement des corps. La Magie Nouvelle offre un nouveau regard sur l’œuvre fossienne, en total raccord avec les préoccupations de l’auteur. À découvrir d’urgence au Théâtre de l’Opprimé. ♥ ♥ ♥ ♥ Thomas Ngohong